Une valse

Une valse,

Une étrange valse

Tient toute la place

Dans ma rêverie

Et dans ma vie,

Elle évoque

Une lointaine époque,

Un décor baroque,

L'ancienne Russie

Et ses folies

Et j'invente

Une ville immense

Qui chante et qui danse

Le Saint-Pétersbourg

Des nuits blanches.

Je m'évade,

Roulée dans ces vagues,

Touchée par la grâce.

Je ferme les yeux.

C'est merveilleux...

Et ma valse

Tourne dans les glaces

De tout un palace

D'or et de cristal,

Ces soirs de bal.

Robe longue,

Envol de colombe,

La lumière et l'ombre,

Tout tourne à la fois

Autour de moi.

J'ai la fièvre

De sang sur mes lèvres

Le feu de la fête.

Je ne sais plus bien

Si je rêve...

Et je danse

Dans ma robe blanche,

Deux doigts sous la manche

D'un jeune aspirant.

J'ai dix-sept ans.

Cette valse,

Ce n'est que la valse

Que l'orchestre en face,

Dans ce cabaret,

Joue sans arrêt.

Mon beau prince

N'est ni grand, ni mince.

Dans le froid qui pince,

Il fait son métier.

C'est le portier

Du ciel pâle.

Une neige sale

Descend en rafales

Et tombe sans bruit

Sur Pigalle...

Les enseignes

En lettres qui saignent

S'allument et s'éteignent

Au cœur de Paris

Hôtel de Russie...

Hôtel de Russie...

Hôtel de Russie...