Lyrics Grand Corps Malade

Grand Corps Malade

Le bout du tunnel

9décembre 84

Il tient la main de sa copine pour défier l'hiver

La nuit par pour être belle

mais elle se transforme vite en triste fait divers

Ils se croient seuls au monde dans les ruelles mais à l'évidence ils ne le sont plus

Deux Skinheads en manque d'embrouilles et d'adrénaline viennent leur tomber dessus

Une gifle pour éloigner la fille

les mecs le rouent de coups à deux contre un

Le visage contre le bitume glacé voyant la mort arriver il se sent contraint

De sortir son arme car il est tout sauf un enfant de coeur

L'un des Skins meurt sur le coup et l'autre hurle encore sa douleur

Tout est allé si vite mais pourquoi ces mecs se sont retrouvés sur son chemin ?

La douleur physique n'est rien quand il la compare à la peur du lendemain

Il s'est rendu au matin plaidant la légitime défense corporelle

Il est jugé en quelques mois en prends 10 ans de réclusion criminelle

Il pense souvent à eux, il rêve souvent à elle

Il a beau regarder très loin il ne voit pas le bout du tunnel

Il découvre le cauchemar, l'humiliation, les matelas crades,

Les pieds enchaînés lors des transferts, et les bagarres lors des promenades,

Et alors qu'il subit depuis plus d'un an le système carcéral,

une terrible nouvelle vient ajouter sa voix à la triste chorale,

Il est porteur d'un étrange virus que le monde découvre craintif,

1985 nouvelle sentence, il est séropositif

Aucun traitement n'existe, plus rien à perdre il se sent condamné à mort

Alors il va être le plus fou dans un monde où c'est la loi du plus fort

Il tombe dans tous les pièges là où la spirale de la violence se corse,

Et puisqu'on le traite comme un chien, alors il sera le chien le plus féroce

Il sort enfin au bout de huit ans,l'avenir aussi triste que son pactage

Les poches vides mais le sang plein de rage alors il monte sur un braquage

Il se fait serrer un an plus tard et c'est le retour à la case cauchemar

A la case où tout est sombre et où la nuit dure des semaines isolé au mitard

Il ne pense plus à eux il ne rêve plus à elle

il n'ose même plus regarder devant, il est trop loin le bout du tunnel

Ou alors ce bout du tunnel, il va falloir se le construire

il sait que s'il ne tente rien, c'est dans ces murs qu'il va mourir

9 octobre 94, date d'anniversaire de l'abolition de la peine de mort

Il réussit son évasion et abolit lui-même son triste sort

Quelques mois de cavale seulement avant de rejoindre les murs tout gris

Quelques mois de liberté agités avant de repeindre les murs d'oubli

Il est alors placé directement dans les quartiers de haute sécurité

A l'isolement pendant 5 ans, on lui dit que c'est tout ce qu'il a mérité

Quand il se regarde dans le miroir, il a peur de ce que le reflet lui montre

C'est vrai ça n'a jamais été un tendre mais la prison a fait de lui un monstre

Un malheur n'arrivant jamais seul, le sida se déclare, la maladie s'installe

Il meurt peu à peu sans assistance et dans l'indifférence la plus totale

1995 à deux doigts de quitter la prison pour le cimetière

La trithérapie fait son apparition et lui remet doucement les pieds sur terre

Poussé à nouveau vers la vie et essayant de voir derrière les barreaux de fer

Il se marie avec celle qu'il aime, ses sentiments réchauffent enfin l'atmosphère

Mais son jugement toujours en attente finit un sale jour par tomber

Pour évasion et braquage il prend 30 ans, le bout du tunnel s'est estompé

Pourtant il garde en lui l'espoir, il a tellement tutoyé la mort

Il se sent invincible c'est sûr il sait qu'un jour il retournera dehors

En 2000 il se met à écrire, sa nouvelle arme pour survivre face au système

Il gratte jour et nuit, ce n'est plus lui désormais mais c'est son stylo qui saigne

Il écrit son premier livre et tient en ligne le premier blog d'un prisonnier,

Ses oeuvres transpercent les portes blindées et maintenant plus personne ne peut nier

Qu'il est vivant, qu'il existe, qu'il réinvente le mot avenir,

En 2008 nait sa fille et l'amour et la vie ne sont plus des souvenirs

Il a les mains sur ses stylos, fini le temps des mains en l'air

"Avant je m'évadais au pistolet,

aujourd'hui je m'évade à l'épistolaire"

Il sort en janvier 2010 avec des projets et des repères

Après 25 ans passé dans un tunnel,

Laurent a rejoint la lumière.