Trois matelots

Nous étions trois jeunes matelots,

Trois beaux marins grands et costauds

Embarqués un jour à Toulon

Sans uniforme et sans gallon

Sur le porte-avions Clemenceau

Nous étions trois jeunes militaires,

Pas trop amoureux de la guerre

Et nous voulions bien nous faire tondre

En échange d'un tour du monde

Sur un joli bateau en fer

Le premier de ces matelots

Était breton jusqu'au mégot

Mais il était con comme un manche,

Comme un déjeuner du dimanche,

Comme un article du Figaro

'l'avait grandi au bord de l'eau

Et n'en avait jamais bu trop

A quinze ans pour une donzelle,

Il a déserté La Rochelle

Pour les remparts de St Malo

Rue de la soif on le vit beau

A écumer tous les tripots

Mais lorsque s'en venait l'aurore,

Rouler de bâbord à tribord

Et s'échouer dans le ruisseau

Voulu partir sur un bateau

Goûter un peu du Sirocco

En pensant avec raison

Que l'océan rendait moins con

Et qu' pour lui y' avait du boulot

Dieu qu'elle est belle l'histoire des trois matelots

Presque aussi belle que l' pont du Clemenceau

Le deuxième de ces matelots

Était corse dans toute sa peau

Il était méchant comme la tourmente,

Vicieux comme une déferlante

Comme un article de Jean Co

'l'avait grandi au bord de l'eau,

Mais n'en buvait que dans l' Pernod

A quinze ans par un légionnaire,

S'est fait tailler une boutonnière

Près d' la citadelle d'Ajaccio

Est devenu un vrai salaud,

S'est fait tatouer les biscotos

Entre le prénom de sa mère,

Des loups, des serpents, des panthères

Et le Christ au milieu du dos

Voulu partir sur un bateau

Pour ne jamais vivre comme un veau

Et pour faire voyager sa haine

De cette putain de race humaine

Peuplée de rasés, de blaireaux

Dieu qu'elle est longue l'histoire des trois matelots

Presque aussi longue que l' pont du Clemenceau

Le dernier de ces matelots

C'était moi j'étais parigot

J'étais bon comme la romaine,

Rusé, malin comme une hyène

Musclé comme un flan aux pruneaux

J'avais grandi très loin de l'eau,

J'en buvais autant qu'un moineau

A quinze ans j'ai quitté Paname

Pour chasser d' mon cœur une femme

Qui voulait y faire son berceau

J'ai bourlingué comme un claudo

J'ai rencontré des écolos

Qui m'ont dit, "va voir les baleines

Qui vivent dans les eaux lointaines

Tu verras que ce monde est beau"

Voulu partir sur un bateau

Pour voir la Terre d'un peu plus haut

Doubler l' Cap Horn dans les deux sens

Et voyager de Recouvrance

Jusqu'aux bordels de Macao

Dieu qu'elle est dure l'histoire des trois matelots

Presque aussi dure que l' pont du Clemenceau

Le premier de ces matelots

Qui était con comme un drapeau

Il a fini plein de gallons,

Plein de sardines sur son veston

Et plein de merde sous son calot

Le deuxième de ces matelots

Qui était méchant comme un corbeau

Il a fini dans une vitrine

Au Ministère de la Marine

Petit chef derrière un bureau

Le dernier de ces matelots

S'est fait virer de son bateau

Pour avoir offert son pompon

A une trop jolie Ninon

Contre un baiser sucré et chaud

Si votre enfant est un salaud,

Un vrai connard, une tête pleine d'eau

Faites en donc un militaire

Alors il fera carrière

Sur un navire, dans un bureau

Mais s'il est bon, mais s'il est beau,

Même s'il est un peu alcolo

Qu'il fasse son tour de la Terre

Tout seul sur un bateau en fer

Mais pas su' le pont du Clemenceau

Simple soldat, brave matelot,

Surtout ne m'en veuillez pas trop

Cette chanson je ne l'ai chantée

Que pour les planqués, les gradés

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