Lyrics Serge Gainsbourg

Serge Gainsbourg

L'alcool

Mes illusions donnent sur la cour

Des horizons j'en ai pas lourd

Quand j'ai bossé toute la journée

Il m'reste plus pour rêver

Qu'les fleurs horribles de ma chambre

Mes illusions donnent sur la cour

J'ai mis une croix sur mes amours

Les p'tites pépés pour les toucher

Faut d'abord les allonger

Sinon c'est froid comme en décembre

Quand le soir venu j'm'en reviens du chantier

Après mille peines et le corps harrassé

J'ai le regard morne et les mains dégueulasses

D'quoi inciter les belles à faire la grimace

Bien sûr y'a les filles de joie sur le retour

Celles qui mâchent le chewing-gum pendant l'amour

Mais que trouverais-je dans leur coeur meurtri

Sinon qu'indifférence et mélancolie

Dans mes frusques couleur de muraille

Je joue les épouvantails

Mais nom de Dieu dans mon âme

Brûlait pourtant cette flamme

Où s'éclairaient mes amours

Et mes brèves fiançailles

Comme autant de feux de paille

Aujour'hui je fais mon chemin solitaire

Toutes mes ambitions se sont faites la paire

J'me suis laissé envahir par les orties

Par les ronces de cette chienne de vie

Mes illusions donnent sur la cour

Mais dans les troquets du faubourg

J'ai des ardoises de rêveries

Et le sens d'ironie

J'me laisse aller à la tendresse

J'oublie ma chambre au fond d'la cour

Le train de banlieue au petit jour

Et dans les vapeurs de l'alcool

J'vois mes châteaux espagnols

Mes haras et toutes mes duchesses

A moi les p'tites pépés les poupées jolies

Laissez venir à moi les petites souris

Je claque tout ce que je veux au baccara

Je tape sur le ventre des Maharajas

A moi les boîtes de nuit sud-américaines

Où l'on danse la tête vide et les mains pleines

A moi ces mignonnes au regard qui chavire

Qu'il faut agiter avant de s'en servir

Dans mes pieds-de-poule mes prince-de-galles

En douce j'me rince la dalle

Et nom de Dieu dans mon âme

V'là qu'j' ressens cette flamme

Où s'éclairaient mes amours

Et mes brèves fiançailles

Où se consumaient mes amours

Comme autant de feux de paille

Et quand les troquets ont éteint leurs néons

Qu'il n'reste plus un abreuvoir à l'horizon

Ainsi j'me laisse bercer par le calva

Et le dieu des ivrognes guide mes pas