À chaque son de cloche
À chaque son de cloche, une feuille s'envole,
Un arbre tend ses bras tordus vers le ciel,
À chaque son de cloche on a mal dans les nerfs,
On dirait que l'on cloue un cercueil de bois vert,
On dirait que le bon Dieu s'amuse
À chaque son de cloche
Que le bon Dieu s'amuse avec l'enfer.
À chaque son de cloche, on entend sourdement
La neige se former au-dessus des étangs,
Les marées d'équinoxe exalter l'océan
Comme si les noyés étaient encore vivants,
Les insectes se meurent et les oiseaux s'en vont,
Les trompettes se taisent, arrivent les violons...
À chaque son de cloche, on voit des processions
De communiants tout noirs qui descendent du ciel
Avec des ostensoirs en guise de flambeaux
Et des visages blancs, comme s'ils étaient nés
D'une mère mourante et d'un père Pierrot...
À chaque son de cloche, on entend des soldats marcher
Au pas des cloches, pieds nus sur le verglas,
Rêvant de café chaud à l'abri des combats,
À chaque son de cloche, un vieillard sent son coeur
Battre au rythme des cloches et peu à peu le son des cloches
S'effiloche et s'étire en rumeur
Et les arbres tout nus comme des déportés
Le matin à l'appel supplient en vain le ciel
Et nos yeux se dessinent à la vue des statues,
Le cloches se sont tues
Mais mollement dans l'air leur souvenir balance,
Leur souvenir balance
Dessinant sur la terre un ombre de pendu,
Un ombre de silence...