L'enfer c'est les autres

Avant d'essayer d'changer le monde, les gens et leur Histoire

Faudrait qu'je change l'enfoiré qu'je vois dans mon miroir

Mais trop lâche pour assumer d'abord

Comme vous tous, je me nourris de préjugés, trop rancunier, alors

J'en veux aux policiers qui me prennent pour un bandit: sache

Qu'ils sont arrogants et me fouillent devant les gens qui passent

Fuck "Les Experts"! Je n'serai jamais flic

Et si, un jour, j'étais un flic, je serais Dexter

J'en veux aux mecs de mon quartier sous alcool

Qui bicravent dans le hall, devant mes nièces qui reviennent de l'école

J'en veux aux profs qui voulaient m'orienter vers les ténèbres

Qui m'ont fait lire des auteurs qui me traitaient de nègre

J'en veux aux Arabes qui me disent qu'on a les mêmes valeurs

Mais qui s'empressent de dire que ma religion c'est la leur

Ceux qui m'appellent khouya quand on est seuls

Et qui crèvent de jalousie quand ils me croisent avec une de leurs sœurs

J'en veux aux Blancs, cyniques et condescendants

Qui pensent que le monde ne se voit qu'à travers les yeux de l'Occident

Je préfère répéter que je suis noir, comme ça y'a pas de risque

Qu'ils disent un jour que j'étais blanc comme ils l'ont dit du Christ

On a des ghettos dans la tête qui nous rendent solitaires

Comment changer le monde si on n'est même pas solidaires?

On fait des erreurs, mais on préfère rejeter la faute

Et on se contentera de dire que "L'Enfer, c'est les autres"

J'en veux à mon public qui dit me soutenir à la mort

Mais qui m'oubliera au prochain rappeur à la mode

J'en veux à "Ni putes ni soumises"

Ça me déçoit que Fadela Amara fasse carrière sur la mort de Sohane

J'en veux aux Noirs: Afrique, Antilles, on se laisse pourrir

Car les Noirs veulent le Paradis, mais ne veulent pas mourir

Te parlent d'unité, mais quand les portes se referment

Chez le marabout, t'as guidé le mauvais œil sur ton propre frère

Un destin qui s'enlise, et les gens disent:

"Si tu veux cacher un truc à un Noir, faut le marquer dans un livre"

J'en veux à la femme africaine, car je la prône

Ma sœur t'es belle avec ta peau d'ébène, pourquoi t'éclaircir la peau?

J'en veux tellement à tous ceux qui manquent de modération

Qui vont cautionner le sionisme et ses aberrations

Ceux qui n'oublient pas l'histoire des tyrannies

Mais qui font les amnésiques sur les massacres en Cisjordanie

J'en veux aux huissiers qui nous bougent, au blues de nos mamas

J'en veux à Mobutu, à Bush, à Barack Obama

J'en veux à Osama, à BHL, à Benoît XVI

J'en veux au monde entier: y'a que mon peura qui m'apaise

On a des ghettos dans la tête qui nous rendent solitaires

Comment changer le monde si on n'est même pas solidaires?

On fait des erreurs mais on préfère rejeter la faute

Et on se contentera de dire que "l'enfer c'est les autres"

"Bernard Pivot - Quel est votre définition de l'intolérance?

Pierre Juquin - C'est le refus de reconnaître la liberté des autres, c'est-à-dire leur droit à exister différemment

Casamayor - C'est bien simple: c'est une maladie de la différence. On passe de l'indifférence à l'opposition, et puis après on passe à l'exclusion."

En fait, je m'en veux à moi-même, entre mes crises et mes caprices

Je cache mon mal-être, et dissimule mes cicatrices

Et je fais l'artiste derrière un masque

Car c'est facile de faire la morale quand on est planqué derrière un mic

Qu'est-ce que j'en sais du mal des autres, en vérité?

À force de vivre dans un clip, j'ai perdu le sens des réalités

Je m'en veux de faire partie des lâches de ce monde

De perdre mes repères, de ne pas être un père digne de ce nom

Et plus je monte, moins mes proches profitent de mon aide

Et puis j'ai honte, vu que j'ai carrément zappé mon bled

L'Homme est un loup pour l'Homme, et j'suis un prédateur

Je prie seulement quand tout va mal, toujours ingrat envers mon Créateur

À tous les gens que j'ai jugés, condamnés trop vite

À tous mes sentiments grugés, à mes clichés trop vides

Le Paradis, ça se mérite, et j'accumule les fautes

Ma mauvaise foi me fera dire que "L'Enfer, c'est les autres"

C'est les autres, hein? C'est les autres

Youssoupha